La chaise est devant moi, mais si je sors de la pièce est-elle encore là ? Rien ne le prouve si je ne retourne pas à chaque instant dans la pièce pour vérifier. Ou si personne ne peut confirmer à ma place que la chaise est « toujours » là. Parce que j’en suis là, comme tant d’autres, assis le cul entre deux chaises, ou plutôt entre deux états de la chaise, visible ou invisible, présente ou absente. Il me vient à penser que si nous sommes des millions à partager la même conscience de la réalité, ce n’est pas une preuve suffisante que la réalité existe par elle-même, en dehors de nous, mais plutôt la preuve de l’existence de quelque chose qui nous unit en elle. La « conscience ». Sans elle, toute certitude s’effondrerait immédiatement puisque je n’ai aucune preuve objective de la présence de la chaise quand je ne l’ai pas sous les yeux. La chaise peut exister encore sans moi, par la seule conscience d’un autre pour en témoigner. Ceci est valable pour toutes les chose qui m’entourent et la conscience que j’en ai qui leur est fortement attachée et en même temps forcément détachée. La chaise ne semble exister que par moi ou par les autres. Simple effet ou création à part entière de « la » conscience ? La question se pose. L’abîme se creuse encore plus si je veux isoler l’une des composantes du couple nom/objet « chaise », indépendamment de sa présence. En clair quel est le rapport entre le mot chaise et l’objet qu’il désigne ? Apparemment aucun lien logique, sinon consensuel, voire conscien-suel. Le mot chaise s’opposant à tous les autres mots qui découpent le monde et qui ne signifient pas deux planches posées à l’horizontale et à la verticale sur quatre pieds. Et ainsi de suite. La pensée peut s’étendre dans l’abîme créé autour de chaque objet nommé, et il en va de même pour tous les mots qui forment le langage, comme pour tous les humains qui peuplent le monde. Pris séparément, aucun ne veut rien dire et aucun mot n’a de sens. Le sens d’un seul mot est donné par tout le langage. Et c’est précisément l’absence des autres mots en sa présence qui lui donne tout son sens. De même l’humain seul sans l’humanité n’a pas de sens. Et l’humanité sans le langage non plus. Le langage est le seul monde habitable qui nous reste en commun.
Les machines peuvent-elles penser ?
Selon Alan Turing, le fameux mathématicien anglais qui décrypta la machine Enigma utilisée pour communiquer par les allemands lors de la seconde guerre mondiale, plutôt